Photo de couverture: Place principale de Marrakech, Jemaa el-Fnaa
Le potentiel du marché de l’assurance vie et de l’assurance santé se développe dans les régions arides du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, alimenté par une croissance économique solide, une amélioration des infrastructures et une classe moyenne en pleine expansion dans les pays phares.
Lorsqu’aura lieu la prochaine édition de la Conférence Arab Health, en janvier 2025, le Dubai World Trade Center sera à nouveau plein à craquer. Le plus grand salon de la santé organisé au Moyen-Orient attire en effet régulièrement des dizaines de milliers de visiteurs professionnels, originaires des quatre coins du monde. Lors de la précédente édition, environ 65.000 personnes étaient venues découvrir les produits de quelque 3.500 exposants. Face à un tel engouement, deux enseignements se dégagent : l’importance croissante de Dubaï en tant que lieu d’exposition d’une part, et le fait que l’industrie des soins de santé gagne du terrain dans l’ensemble de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA) d’autre part. Voilà aussi qui démontre que la région est devenue, depuis longtemps, bien plus qu’un simple fournisseur de matières premières et qu’une « carte postale ».
Plusieurs pays de la zone MENA se caractérisent par une croissance économique constante, qui contribue à faire émerger une classe moyenne toujours plus abondante. « Cette évolution ouvre des perspectives commerciales pour les assureurs de ces pays, et donc des débouchés pour les réassureurs », déclare Nawal Himes, responsable de la Direction Vie et Santé au Moyen-Orient & Afrique du Nord à la Deutsche Rück.
En mai 2024, la Deutsche Rück a commencé à souscrire des assurances vie et assurances santé dans la région MENA, en particulier dans les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) et ceux du Maghreb. Cette initiative s’inscrit dans la mise en œuvre de sa stratégie d’internationalisation et de diversification de ses activités. « Le secteur de l’assurance-vie dans la région MENA est amené à se développer, et nous nous engageons à soutenir nos partenaires », déclare Nawal Himes, spécialiste de la réassurance qui est né au Maroc et est basé à Düsseldorf. Outre sa connaissance innée des cultures arabes et une expérience de 17 années dans le domaine de la réassurance, Nawal Himes a occupé plusieurs postes de direction à la Société Centrale de Réassurance (SCR) à Casablanca, au service du marché Moyen-Orient et Afrique.
La présence de la Deutsche Rück dans la région n’est pas nouvelle : la société est active en Afrique du Nord et au Moyen-Orient de longue date dans le domaine de l’assurance dommages. Laurent Beauregard, de DR Swiss et qui s’occupe du marché des assurances dommages pour le groupe Deutsche Rück au Maroc, en Algérie et en Tunisie, se dit satisfait des résultats obtenus jusqu’à présent, malgré le tremblement de terre dévastateur qui a frappé le Maroc en 2023.
Le Maroc est le pays offrant le plus grand potentiel de marché en Afrique du Nord. « Des grands événements tels que la Coupe du monde 2030 de la FIFA, qui se déroulera au Maroc, en Espagne et au Portugal, génèrent des investissements dans les infrastructures. Par ailleurs, des projets de grande envergure, tels que la construction de plusieurs réservoirs dans les montagnes de l’Atlas et des investissements dans les infrastructures ferroviaires et portuaires, stimulent le développement économique du pays », explique Laurent Beauregard. Ce potentiel se reflète aussi dans sa croissance économique : alors que le taux de croissance du PIB était de 1,3 % en 2022, il est monté à 3,0 % en 2023. Selon les prévisions du Fonds monétaire international (FMI), l’activité devrait progresser à des niveaux équivalents en 2024 et 2025.
Dans ce cadre, les opportunités sont réelles pour les assureurs. « Le marché marocain de l’assurance a réalisé des avancées majeures au cours des dernières années en termes de croissance, d’expérience client et de produits et services innovants », déclare Nawal Himes. L’assurance-vie représente près de la moitié du total des primes.
La législation et les réformes prévues, qui visent à réguler le marché, démontrent la volonté du secteur de renforcer sa solidité, sa compétitivité et son attractivité. « Le Maroc est devenu un centre d’affaires pour le continent africain », déclare Claudia Schmidt, de la Chambre allemande du commerce extérieur (AHK) au Maroc. Les visas ne sont pas nécessaires pour se rendre dans la plupart des autres pays africains et les accords de libre-échange facilitent la circulation des biens et des marchandises. Tout cela contribue à attirer de nombreuses grandes entreprises internationales dans le pays, qui se servent ainsi du Maroc comme rampe de lancement pour leurs activités en Afrique.
Nawal Himes, responsable de la Direction Vie et Santé au Moyen-Orient & Afrique du Nord à la Deutsche Rück
Laurent Beauregard, spécialiste de DR Swiss, observe toutefois qu’au Maroc, les particuliers n’ont souvent tout simplement pas les moyens financiers de souscrire une assurance facultative. Pour autant, les applications développées par des InsureTech gagnent de plus en plus de terrain, ce qui pourrait dynamiser le marché de l’assurance-vie, bien au-delà de la couverture obligatoire.
En plus d’offrir un surcroît de confort, les applications des InsureTech simplifient, dans le meilleur des cas, les processus de souscription. Ce faisant, elles réduisent au final le coût de l’assurance, même pour les Marocains percevant un salaire moyen. Ces technologies contribuent à optimiser les opérations, en réduisant les coûts et en améliorant l’efficacité. Sans surprise, l’Autorité de Contrôle des Assurances et de la Prévoyance Sociale (ACAPS) a priorisé l’InsureTech dans ses objectifs stratégiques et a même créé un département dédié. « L’augmentation du niveau de vie des Marocains et la demande de solutions d’épargne et de protection plus attrayantes sont les principaux moteurs de la croissance du marché », constate Nawal Himes.
Les États du Conseil de coopération du Golfe (CCG), bien plus développés que la région du Maghreb, s’imposent également comme des marchés intéressants dans les secteurs de la vie et de la santé. Les Émirats arabes unis se caractérisent par leur stabilité politique et économique, et jouissent d’un certain prestige. « Les Émirats arabes unis sont un symbole de stabilité au Moyen-Orient, avec une économie et un paysage politique florissants », déclare Markus Brandt, consultant principal au Conseil conjoint germano-émirati pour l’industrie et le commerce (AHK). « Le pays offre d’importantes opportunités pour les entreprises et les investisseurs en quête d’un climat favorable à la croissance. »
Les entreprises représentées dans les Émirats d’Abu Dhabi, Ajman, Dubaï, Fujairah, Ra’s al-Khaimah, Sharjah et Umm al-Qaiwain comprennent des poids lourds, tels que des constructeurs automobiles, mais aussi des prestataires de services et des fabricants d’installations. « Les prestataires de services de différentes régions du monde ont progressivement étendu leur présence dans la région, avec un essor particulier dans le domaine de l’intelligence artificielle », explique Markus Brandt. Par exemple, Microsoft a investi 1,5 milliard de dollars américains dans la société arabe d’intelligence artificielle G42, basée à Abu Dhabi. Des transactions de cette ampleur, ainsi que de grands projets d’infrastructure, sont des marqueurs qui laissent les experts économiques confiants quant aux perspectives des Émirats. Le FMI prévoit une croissance économique de 3,5 % en 2024.
Espace à proximité de l’entrée du Dubai Mall
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À l’instar d’autres pays de la région MENA, les Émirats arabes unis poursuivent également une stratégie de diversification économique. À Dubaï, cette stratégie est connue sous le nom de Dubai Economic Agenda D33. Parmi les projets d’infrastructure, on peut citer le nouvel aéroport qui devrait accueillir 260 millions de passagers par an dans sa phase finale d’expansion, ainsi que le réseau ferroviaire d’Etihad Rail, qui s’étend désormais sur 900 kilomètres et relie tous les émirats. La ligne est déjà ouverte au trafic de marchandises et les trains de passagers suivront dans un avenir proche.
Les Émirats arabes unis, et en particulier Dubaï, attirent les expatriés depuis plusieurs années, et ils sont de plus en plus nombreux à y s’installer sur la durée. Comme le font remarquer des experts tels que Markus Brandt, de nombreux résidents étrangers investissent de plus en plus dans l’immobilier, fondent des familles et prennent des mesures pour assurer leur avenir financier sur le long terme. Ces facteurs traduisent la volonté accrue des expatriés de s’enraciner aux Émirats arabes unis, contribuant ainsi à instiller un sentiment de stabilité. Pour résumer, les Émirats arabes unis ne sont plus seulement une étape parmi d’autres dans leur parcours profesionnel : pour beaucoup, ils deviennent une destination ou un lieu de résidence pour toute leur vie.
Tous ces signaux positifs nourissent la croissance du marché de l’assurance-vie/santé aux Émirats arabes unis qui, sous l’effet combiné d’une classe moyenne au pouvoir d’achat élevé relativement profonde, d’une bonne connaissance des produits d’assurance-vie et d’un cadre réglementaire solide, représentent aujourd’hui le plus grand marché de l’assurance vie dans le CCG. Selon Mordor Intelligence, le marché local de l’assurance santé pèse actuellement environ 10,5 milliards de dollars américains. Les analystes de Mordor Intelligence anticipent une croissance de plus de 12 % d’ici 2029.
Les assureurs locaux peuvent compter sur l’expertise, la stabilité et la fiabilité de la Deutsche Rück pour en tirer profit. La capacité de la société à nouer des relations stables, durables et de confiance avec ses clients en Europe depuis plusieurs décennies, est aussi devenue la norme dans la région MENA, où la Deutsche Rück opère depuis 2020. Nawal Himes confirme : « Nous resterons sur cette ligne, consistant à renforcer nos liens avec nos partenaires à travers l’établissement de relations basées sur le long terme et la confiance mutuelle. »
En forte croissance, le marché de la cyber-assurance représente une formidable source d’opportunités pour les assureurs. Pour autant, les risques associés augmentent de manière plus marquée que dans n’importe quelle autre branche. Ainsi, le nombre de cyber-dommages importants a cru de 14 % au cours du premier semestre 2024. Dans ce contexte, la résilience des clients dans le domaine cyber ne doit pas cesser d’être renforcée afin que cette menace puisse rester assurable.
Panique mondiale. En juillet 2024, une panne massive de systèmes informatiques sur lesquels fonctionnait une application du spécialiste américain de la cyber-sécurité CrowdStrike survient. Quelque 8,5 millions d’ordinateurs Windows se retrouvent instantanément paralysés dans le monde. Heureusement, les conséquences vont rester relativement mineures. Et pour cause : l’incident n’a pas été provoqué par une attaque ciblée menée par des cyber-criminels, mais par une erreur de mise à jour de l’application en question, qui a pu être rapidement corrigée. Il n’empêche, cette affaire est venue mettre en lumière non seulement les dangers toujours plus grands qui existent dans un monde de plus en plus interconnecté, mais aussi l’ampleur du risque encouru par les assureurs lorsque des pannes globales touchent les infrastructures numériques.
Le secteur de l’assurance est en train de tirer les enseignements de l’épisode CrowdStrike en ce qui concerne l’assurabilité des cyber-risques. Le renforcement de la résilience des clients est d’une importance capitale dans la gestion de tels risques, qui tendent à s’accumuler. Dr. Oliver Lamberty, qui dirige le département des affaires facultatives IARD (responsabilité civile, accidents et automobile) à la Deutsche Rück, recommande dans ce cadre aux entreprises d’emprunter de nouvelles voies : « Il serait judicieux que les assureurs réfléchissent, conjointement avec les acteurs économiques, à la mise en oeuvre d’un système d’alerte précoce. Son rôle consisterait à empêcher une escalade des dommages, susceptible de se matérialiser en raison de l’interconnexion des ordinateurs à l’échelle internationale. »
L’utilisation croissante de l’intelligence artificielle par les cyber-attaquants suscite également des inquiétudes chez bon nombre d’experts en sécurité. Il faut dire que l’IA révolutionne les pratiques des acteurs de la cyber-criminalité et agit comme un accélérateur d’incendie, pour reprendre les termes de l’avertissement lancé récemment par les régulateurs américains du secteur de l’assurance. Bien sûr, l’utilisation de cette technologie pour se défendre contre les cyber-attaques et renforcer la cyber-résilience gagne parallèlement de plus en plus de terrain. Cependant, les criminels, contrairement aux prestataires de services et aux assureurs, ne respectent pas les normes éthiques et les directives en matière de protection des données. C’est pourquoi, d’après les entreprises de sécurité, ils ont tendance à avoir deux à trois ans d’avance sur les défenseurs dans l’utilisation de l’IA. Sans le développement ciblé de stratégies de défense basées sur l’IA, clients et assureurs resteront donc dangereusement à la traîne et à la merci des cyber-attaquants.
Ce ne sont pas seulement les méthodes d’attaque des cybercriminels qui évoluent, mais aussi leurs objectifs. Aurapavant, nous étions principalement confrontés à des attaques de type rançongiciel (ransomware), visant à paralyser les systèmes informatiques des entreprises. Aujourd’hui, la violation de la protection des données est le plus souvent au coeur des cyber-incidents. Durant le premier semestre 2024, c’était le cas pour deux tiers de l’ensemble les cyber-dommages importants recensés dans le monde. Or, en particulier lorsque des données personnelles tombent entre les mains de cyber-criminels, cette situation peut entraîner des demandes d’indemnisation considérables, compte tenu des exigences de plus en plus strictes en matière de protection des données.
Afin de rendre l’économie plus résiliente dans ce domaine, les assureurs doivent donc renforcer encore davantage leur vigilance quant à la manière dont leurs clients utilisent les données confidentielles. La réglementation européenne apporte des éclairages précieux dans ce domaine : la mise en œuvre de l’actuel règlement DORA (Digital Operational Resilience Act) d’une part, et de la directive NIS2 sur la sécurité informatique dans tous les marchés européens d’autre part, doit assurer une sécurité nettement plus élevée des entreprises dans l’utilisation de leurs systèmes informatiques et de leurs données. Comme l’exige le législateur, des mesures fastidieuses telles que la création d’un registre des prestataires de services informatiques sont désormais mises en œuvre, permettant d’avoir une meilleure vue de l’exposition aux risques.
De nombreux cyber-assureurs ont récemment concentré leurs efforts commerciaux sur la clientèle des PME. De fait, la cyber-couverture y est chez elles encore nettement moins répandue que dans les grandes entreprises, et le risque associé peut être plus largement réparti dans l’ensemble du marché. Toutefois, les risques n’en restent pas moins importants, en raison par exemple de la diffusion généralisée d’un même logiciel. En outre, la vulnérabilité aux cyber-attaques est élevée, car bon nombre de petites et moyennes entreprises se trouvent dépassées sur ce sujet. « Dans la pratique, on constate souvent que la situation en matière de risques cyber est en réalité bien pire que ne le laissent penser toutes les enquêtes menées en la matière », déplore Manuel Bach, chef de la division Cyber-sécurité pour les PME au sein de l’Office fédéral de la sécurité des technologies de l’information (BSI). L’une des explications tient au fait que de nombreux dirigeants ne comprennent pas les questions techniques les plus simples posées dans ces enquêtes.
« Pour accroître leur résilience, les PME doivent travailler en interne afin de satisfaire aux exigences de base en matière de cyber-sécurité », déclare Lamberty. Cette condition sine qua non peut être assez facilement remplie par les intéressées en coopérant avec les autorités compétentes, par exemple le BSI en Allemagne. Manuel Bach invite également les assureurs à faire de la norme de sécurité informatique « DinSpec27076 », développée notamment par le BSI, une exigence technique de base de leurs polices pour les clients professionnels. Cette harmonisation faciliterait la tâche de l’ensemble des parties concernées.
Dr. Oliver Lamberty, responsable du département des affaires facultatives IARD (responsabilité civile, accidents et automobile) et de la gestion du segment IARD
Le marché de la cyber-sécurité continue à être tiraillé entre, d’un côté, de solides perspectives de croissance et, de l’autre, des scénarii de sinistres préoccupants. Des taux de croissance à deux chiffres devraient perdurer sur ce segment dans la plupart des pays européens. Grâce aux exigences plus strictes des assureurs s’agissant de la sécurité informatique de leurs clients, la situation sur le front des sinistres s’est récemment quelque peu améliorée. Même si le nombre de cyber-attaques continue d’augmenter, les résultats techniques sont en effet satisfaisants. Pour entretenir cette embellie, chacun devra toutefois accentuer les efforts en vue de renforcer sa résilience. A défaut, le domaine cyber, porteur d’espoirs, pourrait devenir un dangereux vecteur de pertes pour le secteur de l’assurance.
La mondialisation, l’interdépendance croissante des réseaux technologiques et le changement climatique font apparaître de nouveaux types de risques, pour lesquels des données empiriques ne sont pas encore disponibles. Pour les compagnies d’assurance, il devient plus impérieux que jamais d’identifier, à un stade précoce, les effets potentiels de ces menaces.
En mars 2024, l’usine Tesla implantée à Grünheide, dans le Brandebourg, s’est retrouvée mise à l’arrêt durant presque une semaine. En cause, un acte criminel ciblant l’alimentation électrique à proximité du bâtiment. Plusieurs milliers de voitures auraient dû quitter la chaîne de montage pendant cette période. Avant cela, d’autres interruptions de la chaîne de production étaient déjà intervenues dans cette usine. Les raisons étaient diverses mais, heureusement pour Tesla, aucune attaque informatique n’a encore eu lieu. De fait, un tel acte pourrait avoir des conséquences désastreuses. Car si les robots à commande centralisée venaient à être paralysés, il se pourrait en effet que le système de commande doive être entièrement réinstallé. Une tâche susceptible de durer plusieurs semaines.
Ce qui ressemble à un cauchemar pour tout chef d’entreprise pourrait bientôt devenir une menace quotidienne : la numérisation et la mise en réseau croissantes des équipements rendent en effet le secteur de l’industrie plus vulnérable. Plus les machines et les systèmes sont interconnectés, et plus le risque de sinistre en cas de panne devient important. Là où, aujourd’hui, seules quelques machines peuvent tomber en panne, des installations entières pourraient ainsi bientôt être affectées. Une épée de Damoclès qui plane du reste également au-dessus des PME, lesquelles se tournent de plus en plus vers les machines autonomes – et donc vers une technologie qui est vulnérable.
De nouveaux risques ne cessent d’apparaître dans les secteurs économiques et dans d’autres domaines de la vie. Or leur potentiel de nuisances n’est pas encore identifié en raison du manque de données historiques. De ce fait, les conséquences possibles sont difficiles à évaluer. Les assureurs sont donc confrontés à la difficulté de recenser et de mesurer le plus tôt possible ces « risques émergents ». C’est le seul moyen pour eux d’empêcher que ces derniers ne viennent altérer leur profitabilité dans certaines branches, de manière non anticipée. Et aussi le moyen pour proposer des produits de couverture adaptés à leurs clients.
Les risques émergents représentent à la fois un risque et une opportunité, explique Janine Rincke, souscripteur et scientifique des données pour les affaires facultatives non-vie et de la gestion de la branche non-vie au sein de Deutsche Rück : « L’interconnexion mondiale, le progrès technologique et les profonds changements climatiques entraînent un nombre de plus en plus élevé de risques émergents. Pour s’imposer face à la concurrence, il est essentiel de les identifier le plus en amont possible et de les classer avec précision. »
Christian Rieck, professeur de finances et de théorie économique à l’Université des sciences appliquées de Francfort, a étudié de près les crises et sait à quel point l’identification des nouveaux risques représente une tâche complexe. « De nombreux risques sont d’ordre systémique. Ils ne concernent pas seulement un seul secteur, mais influent simultanément sur plusieurs acteurs, branches ou marchés. Si une partie du système change, cela peut avoir des répercussions inattendues sur d’autres parties. Il est donc difficile d’établir des prévisions précises. »
Exemple en rapport avec l’assurance automobile : lorsque des voitures sont utilisées comme arme lors d’attaques ou d’attentats, des questions juridiques et actuarielles particulières se posent. Qui est responsable des dommages causés ? Quels sont les droits à indemnisation des victimes ? Dans quelle mesure une assurance terrorisme pourrait-elle intervenir en complément ?
Exemple en lien avec l’assurance responsabilité civile : les produits chimiques éternels, également connus sous le nom de PFAS (substances per- et polyfluoroalkylées), sont utilisés dans une multitude de produits. Ne se dégradant que très lentement, voire pas du tout, ils sont suspectés de causer d’importants problèmes environnementaux et sanitaires, comme tend à le démontrer un nombre croissant d’études menées sur le long terme. Or les effets néfastes n’apparaissent souvent qu’après des décennies, ce qui rend difficile l’évaluation des risques et l’anticipation des dommages.
Exemple relatif à l’assurance de biens : le risque de voir les réseaux électriques et les centrales électriques paralysés à la suite à d’actions de sabotage ou de catastrophes naturelles augmente. Dans ce cadre, des solutions flexibles et toujours plus complètes s’imposent pour faire face à ces dommages potentiels.
Une équipe pluri-disciplinaire de la Deutsche Rück analyse justement les risques émergents et leur impact sur l’assurance dommages aux biens, responsabilité civile et automobile. Des experts de la gestion des branches et des risques y travaillent en étroite collaboration. En raison du caractère nouveau des risques, il n’existe pas encore de données explicites disponibles, obligeant ainsi les experts à se tourner vers d’autres sources pour leurs recherches. Leur angle de vue est extrêmement large. L’équipe suit ainsi en permanence les médias économiques, les publications scientifiques et les rapports d’organisations internationales portant sur des thèmes tels que le changement climatique, la technologie ou la géopolitique. Les plateformes de réseaux sociaux constituent également une ressource qu’il ne faut pas sous-estimer. Enfin, les échanges avec les compagnies d’assurance sont récurrents. « Chez nous, les informations de nombreux assureurs publics, mais aussi privés, convergent, affirme Janine Rincke. Cette méthode nous permet d’analyser dans le détail les portefeuilles d’assurance actuels et d’évaluer la situation de l’assurance par rapport aux risques émergents ».
Si l’équipe constate qu’un thème a un impact potentiellement significatif sur le secteur de l’assurance, elle procède alors à un classement, sur la base de deux paramètres : l’horizon temporel et l’impact. L’horizon temporel décrit si le risque est imminent ou prospectif. L’impact fait référence à une fréquence accrue des sinistres et à un montant accru des dommages par cas. Cette approche permet de classer les risques en fonction de leur probabilité d’occurrence à court ou long termes et de leur gravité. Un risque affichant un horizon temporel court et un impact important pourrait causer des dommages considérables à court terme, à l’instar de crues soudaines. « Avec le changement climatique, les épisodes d'inondations augmentent considérablement, y compris dans des zones qui n’étaient jusqu’alors pas exposées à ce risque », rapporte Janine Rincke. « Dans ce contexte, nous percevons ici une demande élevée en couverture assurantielle, qui pourrait se matérialiser par une extension de l’assurance habitation ou ménage aux dommages causés par les éléments naturels. » Cette équipe pluri-disciplinaire aspire aussi à sensibiliser les assureurs sur l’avénement de ces nouveaux risques et à les aider à adapter au mieux leurs produits d’assurance aux défis à venir.
Janine Rincke, souscripteur et scientifique des données pour les affaires facultatives non-vie et de la gestion de la branche non-vie au sein de Deutsche Rück.
Les risques qui émergent de manière progressive sont particulièrement difficiles à identifier. « Ils peuvent se développer sur de nombreuses années, se manifester de façons très différentes et disparaître de temps en temps », explique Christian Rieck. La Deutsche Rück a classé l’obésité comme l’un de ces risques. Pour ce faire, l’équipe en question s’est notamment penchée sur l’évolution de l’indice de masse corporelle (IMC) au cours des dernières décennies et a effectué des recherches sur les conséquences de l’obésité. Elle a constaté que celle-ci pouvait avoir des conséquences sur l’assurance responsabilité civile automobile. En principe, la responsabilité civile automobile du conducteur responsable de l’accident prend en charge les frais de traitement médical et de soins de la personne blessée dans l’accident. Or si une personne obèse est impliquée dans un accident de voiture, les frais de soins peuvent augmenter considérablement, explique l’experte de la Deutsche Rück, Janine Rincke. « Il se peut qu’elle ait besoin d’un lit de soins spécial ou qu’il faille deux soignants au lieu d’un pour lui prodiguer les soins adaptés. » L’équipe envisage des scénarios comme celui-ci et les enregistre dans son radar des risques émergents. Une revue de chaque risque émergent est ensuite effectuée sur une base régulière afin de le reclasser ou de le classer différemment si nécessaire. Selon l’évolution des conditions générales, un risque émergent peut même disparaître complètement du radar.
L’exemple des cyber-assurances démontre que des opportunités commerciales peuvent découler de risques émergents. Il y a une vingtaine d’années, lorsque le risque de problèmes informatiques liés au système ou à des attaques de hackers était encore faible, les assureurs géraient ce type de sinistres par le biais de polices classiques, telles que les assurances responsabilité civile ou les assurances de biens. À mesure que les cyber-menaces gagnaient en complexité, ils ont ensuite mis au point des solutions de couverture de plus en plus spécifiques : aujourd’hui, les cyber-assurances constituent ainsi une branche à part entière. « La cyber-criminalité est désormais un risque émergent bien connu, auquel le secteur de l’assurance a réagi de manière globale, explique Janine Rincke. Nous œuvrons à faire de même pour les risques futurs, et ce à un stade précoce. »
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Publié en décembre 2024
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